L'intégration de l'IA générative dans le monde du travail

Patrice Mimenza

6/8/20256 min read

a computer chip with the word gat printed on it
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Cette note d'analyse porte sur l'intégration de l'Intelligence Artificielle (IA), et plus spécifiquement l'IA générative, dans le monde du travail, avec un focus particulier sur l'industrie en France. Il aborde les motivations du déploiement de l'IA, les différentes manières dont les entreprises forment leurs salariés à son utilisation, les impacts potentiels sur l'emploi et les compétences, ainsi que les considérations éthiques et réglementaires associées.

Les motivations et les objectifs du déploiement de l'IA dans les entreprises

L'intégration de l'IA dans le monde du travail est motivée par plusieurs objectifs stratégiques pour les entreprises. Selon une étude quantitative de LaborIA (2023) menée auprès de 250 dirigeants :

  • 81% visent la réduction des risques d'erreurs.

  • 75% cherchent l'amélioration des performances.

  • 74% ont pour but la réduction des tâches fastidieuses.

Ces chiffres soulignent un désir clair d'optimiser les processus, d'accroître l'efficacité et de libérer les employés des tâches répétitives et peu valorisantes. L'IA générative, en particulier, est perçue comme un puissant catalyseur de ces objectifs grâce à sa capacité à créer du contenu.

La formation des salariés à l'IA générative : une priorité pour les industriels

Les sources mettent en évidence l'importance croissante de la formation pour permettre aux salariés de maîtriser l'IA générative. Les industriels français, tels que Stellantis, Thales et Schneider Electric, investissent massivement dans l'apprentissage de ces outils. L'article d'OPCO 2i détaille diverses approches :

  • Ateliers pratiques et formations ciblées : Ces méthodes visent à familiariser les équipes avec les fonctionnalités de l'IA générative.

  • Événements spécifiques : Schneider Electric a organisé un "promptathon" pour 250 participants afin d'apprendre à rédiger des instructions efficaces ("prompts"). Thales et Stellantis optent pour des "prompt parties", des sessions courtes pour tester l'IA.

  • Exploration des usages concrets : Stellantis prévoit de former ses développeurs à la génération de code via l'IA, et d'autres services explorent les applications pour optimiser la productivité.

  • Immersion pour les dirigeants : Vinci Construction a même organisé une immersion de trois jours pour son comité exécutif afin d'explorer le potentiel stratégique de l'IA générative.

Comme le souligne Luc Lespérance dans la Revue Gestion HEC Montréal, la maîtrise de l'IA générative, qui évolue rapidement, est appelée à devenir "aussi difficile que se passer de Google pour effectuer des recherches", anticipant une "fracture numérique importante" pour les entreprises et travailleurs qui ne se tiennent pas à jour.

L'impact de l'IA sur l'emploi et les compétences : entre opportunités et défis

L'introduction de l'IA dans l'environnement de travail a des effets profonds sur l'organisation du travail, le management et les compétences requises. Le guide de LaborIA met en lumière cette transformation :

  • Redéfinition des rôles professionnels et révision des compétences : L'IA peut modifier la structure du travail, rendant certains rôles moins essentiels tout en en valorisant d'autres.

  • Le travailleur comme "maître d'apprentissage" de l'IA : L'interaction entre l'humain et la machine est bidirectionnelle ; "Le travail change l’IA, l’IA change le travail".

  • Paradoxes de l'IA : Malgré ses avantages (amélioration de la productivité, simplification des tâches), l'IA peut également susciter des perceptions de "menace" et de "perte de conscience de la situation" si les salariés délèguent passivement leur savoir-faire.

Axia Consultants aborde les conséquences de l'IA sur l'emploi, présentant trois scénarios potentiels pour le volume global de l'emploi : une réduction nette, un équilibre ou une création d'emploi nette. L'article souligne que l'IA impactera également la structure des emplois, avec une automatisation des tâches répétitives et une modification voire création d'emplois intégrant l'IA de manière complémentaire.

L'IA et la gestion des compétences : un levier stratégique pour les RH

L'IA offre des opportunités significatives pour la fonction RH, en particulier dans la gestion des compétences. L'extrait de Culture RH met en avant comment l'IA peut devenir un "game changer" :

  • Identification des compétences implicites et des talents cachés : Grâce à l'analyse sémantique, l'IA peut détecter des compétences non formellement reconnues.

  • Recommandations de formation personnalisées : L'IA analyse les parcours de millions d'utilisateurs pour proposer des formations adaptées, augmentant le taux de complétion et l'engagement.

  • Planification stratégique des compétences : L'IA permet une analyse prédictive des tendances, la modélisation de scénarios d'évolution des besoins et l'identification précise des écarts de compétences ("skills gaps"). Elle peut analyser des millions de données (offres d'emploi, formations, publications, etc.) pour anticiper l'émergence de nouvelles compétences stratégiques.

  • Optimisation du "build, buy or borrow" : L'IA aide à évaluer les différentes options (développer en interne, recruter, externaliser) pour combler les besoins en compétences.

  • Réduction des biais dans le recrutement et l'évaluation : L'IA peut aider à analyser les CV sans biais, structurer objectivement les processus et supprimer les termes genrés dans les descriptions de poste. Cependant, l'exemple d'Amazon montre qu'il est crucial de tester et d'auditer les algorithmes pour éviter les biais.

Considérations éthiques, réglementaires et rôle des parties prenantes

L'intégration de l'IA soulève des questions éthiques importantes qui nécessitent une attention particulière. Le guide de LaborIA insiste sur le besoin de garder l'humain au cœur des décisions, comme le cite Cédric Villani : "L’intelligence artificielle peut être une alliée formidable, mais à condition que nous gardions l’humain au cœur des décisions, en orientant son développement vers le bien commun."

Le déploiement de l'IA impacte également la gouvernance et la participation des différentes parties prenantes. Le guide de LaborIA identifie les rôles clés :

  • Les décideurs : Définissent la vision, élaborent la méthode de déploiement et intègrent les recommandations issues du dialogue social technologique.

  • Les utilisateurs : Leur appropriation est essentielle pour la production de valeur et leurs retours d'expérience alimentent le dialogue social technologique.

  • Les concepteurs : Veillent à ce que les solutions soient utiles et utilisables, en collaborant avec les métiers et en intégrant les considérations du dialogue social technologique.

  • Les instances représentatives du personnel (IRP) : Jouent un rôle crucial dans l'information et la consultation concernant l'introduction de nouvelles technologies, les conditions de travail et la santé-sécurité.

Le rapport de l'Organisation Internationale des Employeurs (IOE) souligne l'importance des cadres réglementaires et des principes normatifs développés au niveau international et national. La loi européenne sur l'IA est citée comme un exemple de réglementation contraignante basée sur la classification des risques. Les gouvernements ont également un rôle à jouer dans la facilitation des programmes d'alphabétisation numérique et la fourniture d'aide aux travailleurs en transition.

Défis et points de vigilance

Malgré les nombreux avantages de l'IA, plusieurs défis et points de vigilance sont identifiés :

  • Le coût élevé de la technologie : Bien que l'IA générative soit plus accessible, le coût peut encore être un obstacle, en particulier pour les PME (IOE, LaborIA).

  • Les "hallucinations" de l'IA générative : Les résultats incorrects ou trompeurs générés par les modèles d'IA nécessitent une vigilance accrue (IOE).

  • Les questions de droits d'auteur : L'utilisation de données pour l'entraînement des modèles d'IA soulève des préoccupations juridiques (IOE).

  • La désinformation au travail : Une mauvaise utilisation de l'IA peut entraîner la diffusion de fausses informations (IOE).

  • La partialité des algorithmes : Les systèmes d'IA, s'ils ne sont pas conçus et audités correctement, peuvent reproduire et amplifier les biais existants (Culture RH, IOE).

  • La gestion algorithmique : L'utilisation de l'IA pour gérer la main-d'œuvre soulève des préoccupations en matière de protection des données, de vie privée et de surveillance (IOE).

  • Le risque de perte de sens du travail : L'automatisation peut déposséder le salarié de l'aspect humain de son travail (Axia Consultants).

  • La fracture numérique : Un écart important peut se creuser entre ceux qui maîtrisent l'IA et ceux qui ne le font pas (Revue Gestion HEC Montréal).

Conclusion

L'intégration de l'IA, et notamment de l'IA générative, est une tendance majeure qui transforme en profondeur le monde du travail. Les entreprises, en particulier dans l'industrie, investissent dans la formation de leurs salariés pour exploiter le potentiel de ces outils. Bien que l'IA offre des opportunités significatives en termes d'amélioration de la productivité, de réduction des erreurs et d'optimisation de la gestion des compétences, elle présente également des défis liés à l'emploi, aux considérations éthiques et à la nécessité d'une gouvernance et d'un dialogue social appropriés. Une approche centrée sur l'humain, impliquant toutes les parties prenantes, est essentielle pour garantir une transition réussie et équitable vers un environnement de travail augmenté par l'IA.